On ne peut pas éviter les inondations, je l’ai répété, il faut donc se préparer à les affronter, car les crues reviennent immanquablement et elles sont imprévisibles.
Une inondation n’est (presque) jamais produite par la pluie qui vous arrose, sauf en circonstance exceptionnelle ; elle est habituellement le résultat de fortes précipitations en amont de l’endroit où vous êtes, ou de fontes des neiges. En conséquence, même s’il ne pleut pas chez vous, une inondation est toujours possible. Quand une grande quantité d’eau se déverse sur un territoire, celle-ci doit s’évacuer selon la pente du terrain et en sort par son point le plus bas, la base de l’entonnoir, et à Morlaix, le centre-ville est cette sortie d’un entonnoir. Le mieux est donc de s’y préparer. Deux types de réponses : préparer la ville aux prochaines inondations, inéluctables, et si on le peut, étaler la quantité d’eau sur le temps avant qu’elle ne parvienne dans la cité pour réduire ses effets négatifs.
Démarche initiale à toute lutte contre les inondations, identifier les zones à risques, les habitats régulièrement inondés et impliquer leurs occupants dans cette lutte afin qu’ils se préparent afin de minimiser les dégâts. Un tel travail a été entamé par le Centre d’études techniques de l’équipement, en 2005 ; bien qu’il présente un historique des crues, les données de 1974 n’y sont pas intégrées. On peut consulter ce document ici. On a déjà relevé des niveaux de près de deux mètres en 1880 et 1974, mais où exactement ? De telles hauteurs commencent à être conséquentes et dangereuses. Il ne serait pas inutile d’indiquer les lieux où ce danger est maximal avec des repères de crues, et non une échelle limnimétrique. À Morlaix, je n’ai trouvé aucun repère de crue, mais dans de nombreuses communes victimes de crues, leur présence est plutôt exceptionnelle.
Ceci fait, il faut informer les habitants des probabilités de risques, mettre en sécurité ce qui peut l’être tel le rehaussement des réseaux électrique et de gaz ; conseiller aux commerçants, nombreux dans ces zones, de surélever leurs marchandises les plus précieuses. Les batardeaux avaient été recommandés après la crue de 2018, mais seuls quelques établissements en sont équipés. Pour qu’ils soient efficaces, il faut les mettre en place rapidement, difficile la nuit et les jours fériés.
Particularité à Morlaix, le bassin étant de faible dimension, on ne dispose que de peu de temps avant de l’arrivée de la crue pour alerter la population.
Châteaulin, qui subit régulièrement ce genre de phénomène, a publié avec l’EPAGA un ensemble de consignes pour éviter les dommages les plus importants « J’habite ou je travaille en zone inondable : outils pratiques ».
Un exemple de crue historique particulièrement dramatique, et a priori imprévisible, dans l’Orne sur laquelle un article de Ouest-France revient, avec une vidéo de 3’30 » : Le jour où le ciel et la Dive ont submergé Mamers.
Seconde option
Celle-ci n’exclue pas la première, elle est complémentaire et consiste à prendre le problème à la base, un peu comme cela a été fait à une grande échelle pour protéger Paris des crues de la Seine (quatre grandes réserves d’eau), constituer des réserves en amont pour réduire le niveau des crues et étaler leurs effets. Le principe est de ralentir l’arrivée du flux des rivières, l’eau doit de toutes les façons rejoindre la mer, mais on minimise les dégâts des inondations en étalant leur évacuation. Cette solution a été envisagée à Morlaix avec des bassins excréteurs, mais les traces de celle-ci ont disparu, il ne persiste que ce schéma.
Qui dit barrage, ne signifie pas retenue permanente, il existe une solution qui retient temporairement les eaux lors de fortes précipitations, les barrages écrêteurs, appelés aussi retenues sèches dont vous avez le schéma ci-dessous. Le courant de la rivière n’est jamais arrêté, il reste un passage qui permet à la rivière et aux sédiments de s’écouler normalement en situation habituelle. Ce n’est que lorsque les débits sont importants que ces retenues font leur office, retenant la plus grande partie des eaux le temps que le phénomène s’estompe. si la crue est très importante, un déversoir existe au-dessus du barrage pour l’évacuation du surplus. Ce faisant, il faut accepter de noyer temporairement des surfaces en amont, donc de trouver des lieux adéquats et d’obtenir l’autorisation des propriétaires et des municipalités.
Voici une vidéo ci-après sur le fonctionnement d’un barrage écrêteur, elle est très didactique et elle concerne le bassin de l’Aulne, les conditions de leur réalisation et de son coût.
Vidéo de 10’ : La prévention des inondations de l’Aulne, 2018
Quel serait le coût à Morlaix, on ne sait pas, Gwendal Hameury du Télégramme évoque, avec beaucoup de réserves, un chiffre de 20 à 25 millions €. Par comparaison, les retenues sèches de l’Aulne étaient évaluées en 2014 à 7 millions € pour stocker temporairement 6 millions de m³ d’eau. À Châteaulin, la réalisation de ces barrages n’est pas encore décidée, des études sur la biodiversité sont en cours.
Ce sont les dommages matériels et surtout humains évités vis-à-vis des coûts de construction et d’entretien de ces installations qui peuvent déterminer le choix de les mettre en œuvre ou pas. C’est la démarche qui a été employée pour l’ouverture du Dosenn, mais l’efficacité de cette dernière solution semble notoirement surévaluée, comme j’ai essayé de le démontrer ici.
Faut-il se priver d’une place en centre-ville ou noyer temporairement des terres qui ont des propriétaires ? Cela aurait-il un impact négatif sur la biodiversité ?
Pour compléter ce tour d’horizon des outils de lutte contre les inondations, un nouvel article passe en revue les travaux qui ont été publiés sur les retenues sèches, avec les liens pour les récupérer ; vous le trouverez ici : « Les barrages à pertuis ouvert sont-ils une protection contre les inondations ». Le souci est qu’aujourd’hui toute intervention sur un cours d’eau se heurte au dogme de la rivière libre et naturelle, alors qu’aucune d’elles n’est plus « naturelle » depuis de nombreux siècles. Pourquoi ?