Suite de l’article précédent : Découvrir partiellement le Dosenn, la rivière de Morlaix – 1 Historique.
Le Programme d’Actions de Prévention des Inondations destiné à réduire le risque d’inondation et protéger les personnes et les biens en cas de débordements a été prolongé de deux ans afin de mener la dernière phase d’études destinée à concevoir l’avant-projet définitif de réouverture de la rivière. La convention financière du « Papi d’intention » a été conclue en mai 2016 entre l’État, le Département du Finistère, Morlaix Communauté et la ville de Morlaix ; la réouverture du Dosenn n’était pas alors envisagée.
Cette plaquette est disponible ici : Le projet de réouverture de la rivière de Morlaix
Il est écrit dans le document ci-dessus : « Un goulot d’étranglement. L’inondation survient lorsque les galeries ne peuvent plus écouler suffisamment rapidement toute l’eau provenant de l’amont. C’est cette situation de saturation qui provoque des débordements en surface. » Il est aussi précisé que les marées n’ont qu’un effet limité. Y a-t-il eu des inondations avant le premier (et partiel) recouvrement, soit antérieurement à 1782 ? C’est plus que probable, mais sans observation référencée, on attribuera toutes les inondations aux galeries ; rappelons qu’avant la construction de la mairie, GR223 a retrouvé un mètre d’eau dans le centre de la ville en 1824.
Les solutions à ces inondations aujourd’hui proposées par la ville de Morlaix et sa communauté sont de deux types, le reprofilage des galeries souterraines du Queffleuth et du Jarlot et la réouverture partielle du bassin entre le kiosque et le rond-point Charles-de-Gaulle. Est-ce suffisant pour évacuer de grands volumes d’eau ? Un cabinet d’étude a produit des cartes avec des réductions surprenantes des zones inondables, mais leurs démarches n’ont pas été clairement explicitées ; je n’ai pas retrouvé les études qui amènent à ces conclusions, où se trouvent-elles ? Bien qu’il soit écrit que ces conclusions soient issues d’un « scénario d’intervention scientifiquement attesté ».
Il est affirmé dans le même document : « Au terme des études menées, le reprofilage de ces galeries apparaît comme le seul moyen efficace de réduire drastiquement le risque d’inondations dans la ville en l’associant à une réouverture partielle de la rivière entre le kiosque et le port. Grâce à ceci, Morlaix se verra protégée de toutes les crues inférieures à la crue trentennale. » Mais l’on retrouve dans les différents articles sur la prévention, qu’une solution plusieurs fois évoquée n’est plus envisagée, celle des bassins de retenue très en amont de la cité.
Je vais exposer mes réflexions en séparant les deux solutions proposées, puis envisager d’autres possibilités, en analysant les avantages et les inconvénients de chacune d’elles, car mieux vaut se préparer à affronter sereinement les crues.
Le reprofilage des galeries souterraines
Reprofilage des galeries souterraines du Queffleuth et du Jarlot, soit, comme sur l’illustration, arrondir les angles et lisser les aspérités, peut légèrement améliorer l’écoulement des eaux, mais le calibre des galeries restant inchangé, il est peu probable que leur débit soit significativement amélioré.
La réouverture partielle du bassin devant la Mairie
La réouverture partielle du Dosenn entre le kiosque (devant la mairie) et le rond-point Charles de Gaulle (devant le port), avec modification du profil de la voirie. Notons que le Dosenn continuera à s’écouler dans les mêmes galeries entre la mairie et le kiosque, puis entre le rond-point Charles de Gaulle et le port.
Il est écrit que les deux solutions sont : « Au terme des études menées, le reprofilage de ces galeries apparaît comme le seul moyen efficace de réduire drastiquement le risque d’inondations dans la ville en l’associant à une réouverture partielle de la rivière entre le kiosque et le port. Grâce à ceci, Morlaix se verra protégée de toutes les crues inférieures à la crue trentennale. » Mais aussi : « Ce projet intègre aussi une véritable dimension bioclimatique. Le réchauffement de la planète entraîne l’élévation du niveau de la mer. Un risque à venir pour une ville comme Morlaix située en zone submersible. Ce projet limitera la vulnérabilité à ce risque. Réintégrer l’eau dans la ville créera aussi un phénomène de rafraîchissement naturel en cas de fortes chaleurs telles que nous devrions en connaître de plus en plus. »
On comprend bien qu’il y a deux problématiques, celle des crues produites par les débordements des rivières, et celle des submersions marines. Par contre, il apparaît que certains blocages, interdits conceptuels, font que des solutions ne sont pas ou plus envisagées, dont la nature et les motifs seront discutés dans un (ou plusieurs) article futur.
En période de crue, cette ouverture de la chaussée rendra encore plus dangereuse pour les piétons la traversée de place des Otages, la rivière découverte pouvant être masquée par les inondations. Déjà en 2018, la traversée du parking était rendue dangereuse à cause des bouches d’égout ouvertes (Ouest-France le 3 juin 2018). À minima, des garde-fous sont à prévoir, avec la possibilité de laisser l’eau s’écouler, donc pas de muret. Ces travaux seront-ils suffisants pour lutter contre les crues ? On raisonnablement peut en douter.
Par contre, c’est un aménagement paysager qui aura pour effet de chasser une partie des véhicules du centre-ville, mais parait-il sans réduire le nombre de places de parking. Un autre élément qui me semble bien plus négatif, cette ouverture condamnera deux grands espaces qui ne pourront plus être utilisés pour des manifestations, pour les marchés par exemple ; comme les places en centre-ville sont plutôt rares et petites, cette perte pourrait être durement ressentie.
Voici le résultat espéré de ces travaux sur une crue trentennale.
Sur ces simulations « scientifiques », le Jarlot n’est pas représenté, soit. Plus étonnant, la presque disparition de la zone inondée bien avant que le Queffleuth ne pénètre dans sa galerie, là, j’aimerais comprendre par quel mécanisme un débordement en amont ne se produirait plus, qui plus est avec une différence de niveau de plusieurs mètres. Je rappellerais les dimensions du bassin versant du Jarlot, 91,9 km², et du Queffleuth, 97,4 km², soit des tailles équivalentes, entrainant une collecte des eaux pluviales semblables, qui plus est sur des terrains particulièrement imperméables, donc avec un risque d’inondations similaire.
Ici encore, si l’on se réfère aux inondations du passé, tout particulièrement au XIXe siècle, alors que le port était encore largement ouvert, ces crues n’ont pas été minimisées par la possibilité d’évacuer l’eau plus rapidement, tel que le suggère l’argumentation du grand projet. Évidemment, on ne vérifiera cela que lors de prochaines crues, mais alors le cabinet d’étude qui a validé cette proposition s’en lavera les mains, s’il existe encore.
Est-ce pertinent ?
Pour évacuer de fortes précipitations, il s’agit de ne pas minimiser ces pluies en ne tenant compte que de celles tombées sur Morlaix. Le Télégramme a annoncé 1,3 milliard de litres d’eau en une heure à Morlaix en 2018 (soit 1,3 million de mètres cubes, ou selon l’illustration, une hauteur d’eau de 162 mètres sur un terrain de football), oubliant tout le reste du bassin qui déverse ses eaux dans le Dosenn. Une inondation n’est (presque) jamais produite par la pluie qui vous arrose, sauf en circonstance exceptionnelle ; elle est habituellement le résultat de fortes précipitations en amont de l’endroit où vous êtes. En conséquence, même s’il ne pleut pas chez vous, une inondation est toujours possible.
En 2018, les galeries du Queffleuth et du Jarlot ont dû absorber au minimum 9 843 600 m² avec une estimation des précipitations égales sur tout le bassin, quantité d’eau que l’on retrouve plus bas dans le Dosenn souterrain. C’est énorme et très probablement sous-estimé (voir la carte ci-dessous), en envisageant de faire passer ce volume de liquide dans la galerie du Dosenn qui a une section de 25 m², cela nous donnerait une colonne d’eau de… 400 km de longueur ! Pour donner un ordre de comparaison, la galerie blindée de 3,20 mètres de diamètre de près de 15 km de longueur, entre Tignes et Malgovert, a un débit de 50 mètres cubes par seconde. Avec un tel débit, 55 heures seraient nécessaires pour évacuer toute cette eau.
Les expédients n’y suffiront pas.
Si les édiles du secteur veulent aller au bout de leur démarche, pourquoi ne proposent-ils pas de découvrir toutes les rivières qui circulent en souterrain, d’élargir leur lit, ce qui nécessiterait probablement de détruire en partie la mairie de Morlaix qui est à cheval sur les deux rivières formant le Dosenn… Ah ! Il semblerait que cette solution ne soit pas envisageable.
Le mieux ne serait-il pas de se préparer à affronter les crues et, éventuellement, d’essayer de les estomper bien en amont ? C’est ce que nous verrons prochainement dans l’article : Se préparer à affronter les crues à Morlaix.