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Le piège à inondations de Montignac-Lascaux

Depuis 1580, l’une des principales villes du Périgord à l’époque, Montignac était privée de son pont, un lien vital entre deux rives, deux paroisses très peuplées. Des expédients ont été construits à la hâte, du rafistolage en bois, bien trop légers pour résister aux colères récurrentes de la Vézère. Il faudra attendre presque 200 ans pour qu’un solide nouveau pont soit édifié, trop tard, la ville est désormais hors des grandes routes commerciales.

Le « vieux » pont de Montignac, après sa récente rénovation sur la pile du pont, il est gravé 1728-1768.
Le « vieux » pont de Montignac, après sa récente rénovation sur la pile du pont, il est gravé 1728-1768.

Entre-temps, la voirie a été modifiée, le lit de la Vézère a été grignoté sur les deux rives, réduisant le lit majeur à une portion congrue. Des bâtiments qui semblent aujourd’hui datés des temps lointains ont été construits sur les surfaces gagnées sur la rivière sur la rive gauche, entre 20 et 25 mètres, déjà existant lors de la construction du pont, et la rive droite a perdu quelques 6 mètres avec le quai Mérilhou et l’imposant mur qui le soutient.

Carte non datée, évaluée entre 1728 et 1758, aucun pont ne permet encore de traverser la Vézère, par contre la rue du Quatre septembre est déjà visible, surlignée en jaune. (1)

Au XVIIIsiècle, des ingénieurs des Ponts et chaussées ont eu pour mission de recréer le lien entre Périgueux et Sarlat qui passait par Montignac. Connaissant la propension de la Vézère à sortir méchamment de son lit, ces ingénieurs ont conçu une voie hors d’eau, surélevée d’environ 3 mètres par rapport au niveau du sol normal. Cette voie se nomme aujourd’hui la rue du Quatre septembre (date de la proclamation de la Troisième République), elle est bordée d’immeubles qui ont participé à l’élévation globale, tous possèdent des caves ; il ne restait qu’à combler l’espace entre ceux-ci pour terminer cette voie. Seulement ensuite a été édifié le pont.

Pont Cardinal à Brive, 1730-1734
Le pont Cardinal à Brive, en 1960, celui a absorbé un débit de 750 m³/s contre 1220 m³/s à Montignac. La ville de Brive a été inondée, mais bien moins gravement que Montignac.

Ce pont est particulièrement étroit à ce niveau de la rivière ; son équivalent à Terrasson édifié un demi-siècle plus tard, mais comporte cinq arches contre trois et demi à Montignac. À Brive, le pont Cardinal construit trente ans plus tôt et qui enjambe la Corrèze, soit environ 30 % du débit qui s’écoule à Montignac, comporte trois arches.

Crue à Terrasson
À Terrasson, lors de crue minime, l’eau s’évacue par la rive droite, gênant la circulation, mais limitant la hausse du niveau de l’eau.

À Terrasson, l’eau est rapidement évacuée par Le Brasset, le canal de dérivation creusé pour la construction du Vieux pont, réellement très ancien, lui, il daterait du douzième siècle. Dès que les eaux montent, une partie de leur écoulement envahit l’ancienne route nationale N89.

Pont de Terrasson et de Montignac
Ces deux ponts se situent sur la même rivière, celui du haut, à Terrasson) est situé 20 km en amont de celui de Montignac, en bas. Ce rétrécissement limite fortement l’évacuation des eaux en cas de crue importante.

Autant dire que ce « Vieux » pont a été bâti à l’économie. Mais le plus grave, c’est son association avec une voie hors d’eau, c’est-à-dire une digue ! Le résultat, c’est que lorsque le débit augmente, l’eau atteint rapidement le haut des arches, amplifiant les effets des crues majeures.

La place d'Armes de Montignac lors d'une inondation
La place d’Armes de Montignac lors d’une inondation banale. Observez le bâtiment à droite de l’image.
Inondation de 1960 à Montignac.
Voici le même bâtiment après la crue de 1960, le niveau de l’eau visible sur le mur a presque atteint le haut du deuxième étage. Sur la gauche le deuxième étage d’autres constructions a était complètement noyé. (2)

Nos ingénieurs ont constitué une nasse d’où l’eau ne pouvait sortir, le seul exutoire étant les ouvertures réduites du pont. Quand le débit arrive à la limite de ces ouvertures, il ne reste à la rivière que de passer au-dessus du pont et de la rue du Quatre septembre. Sans le vouloir, sans le savoir, ils ont constitué un barrage filtrant, dit aussi à pertuis ouvert comme celui que leurs collègues, les ingénieurs Mathieu et Poictevin, ont conceptualisé et créé en 1712 à Pinay sur la Loire. Avaient-ils eu connaissance de cette réalisation presque contemporaine ? J’en ai fait un article ici.

Marques des crues à Montignac
Les marques des crues à Montignac, à l’angle de la rue de l’archiprêtre Noël et de la rue Lafite, à 30 mètres derrière l’image précédente. La marque de 1960 n’existe pas, je l’ai reconstituée d’après le niveau de la place d’armes.

Il arrive que des aménagements destinés à se protéger contre les crues intempestives se retournent contre leurs concepteurs, c’est ce qui est arrivé dans la basse vallée de la Vézère, à Montignac.

Y a-t-il des solutions ?

Oui, mais disons qu’elle ne plaira certainement pas aux habitants de cette cité, je vous laisse les imaginer…

La rue du Quatre septembre à Montignac et la mairie
La rue du Quatre septembre à Montignac et la mairie, celle-ci a été bâtie sur un terrain gagné sur le lit de la rivière. De part et d’autre de celle-ci, des rues descendent pour rejoindre le niveau naturel du sol. Derrière, on aperçoit une partie des immeubles qui entourent la rue du Quatre septembre.

Source de certaines images, les autres sont de l’auteur.

1 – Carte issue du travail de Xavier Pagazani et collaborateurs, du Patrimoine et inventaire en Nouvelle-Aquitaine – Les dessous d’une carte : la ville de Montignac au milieu du XVIIIe siècle.

2 –Photo issue du livre de Jean-Michel Faure : « Inondation de la Vézère il y a cinquante ans (octobre 1960) »

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