Arrivé dans ce bout du monde en 2008, attiré par les magnifiques paysages, les cieux changeants, une lumière, aussi pour son climat rafraîchissant, mais si ! je venais de passer plus de six années dans le Sud–Ouest, moi qui n’avais toujours vécu que dans le septentrion.
Je vais vous conter mes premiers pas de résident et ma découverte de cette tradition aux racines profondes, le choc, la révélation devant ces chaînes de danseurs ; j’ai été séduit, envoûté. La décision de réaliser une étude photographique sur ces fêtes nocturnes a été instantanée, dès le premier contact.
J’ai cherché et je n’ai pratiquement rien trouvé qui correspondait à ce que j’envisageais de produire, un livre pour tous ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur ces danses. J’ai même annoncé un titre sur le forum de Tamm-Kreiz (le site du fest-noz) : « Festoù-noz ». Un autre me l’a dérobé, et tant mieux, car c’était un mauvais titre, identifiable par les seuls bretonnants.
Une année, une seule, c’était le délai que je m’étais alloué pour réaliser ce projet. Une simple année afin de ne pas perdre la fraîcheur de mon regard, une certaine candeur. Que n’étais–je présomptueux ! Une année c’est trop court pour faire le tour des multiples facettes de ces fêtes et de leurs prolongements dans toute une société, mais c’est bien plus qu’il n’en faut pour conserver le regard froid, l’œil critique, la distanciation quasi scientifique. Une année, c’est beaucoup trop avant que d’être happé par ces vagues humaines aussi sûrement que par celles du puissant océan voisin.
Finalement, j’ai prolongé ma démarche de quelque mois pour aborder les festoù-noz des côtes (à touristes !) durant l’été, ainsi que les nombreux stages et les concours estivaux, aspects initialement ignorés. Plus encore pour solliciter et collecter les témoignages de danseurs, d’organisateurs anonymes ou connus. Initialement, je pensais demander à une « plume » d’écrire le texte d’accompagnement, puis j’ai choisi de l’écrire moi-même, ainsi que la mise en page, pour à terme obtenir un livre.
Je souhaitais que ce livre soit édité et imprimé en Bretagne, j’ai trouvé un imprimeur, Cloître Imprimeurs à Saint-Thonan, puis j’ai découvert que des Bretons très militants utilisaient les imprimeurs étrangers. Finalement, je l’ai publié moi-même, ce qui fut une belle erreur, mais puisque qu’aucun éditeur breton n’avait voulu le faire, et que le bébé était arrivé à échéance… Financièrement, cela a été une catastrophe qui m’a malheureusement fait quitter la Bretagne, mais le livre existait, et c’était là l’essentiel, et le voici :
À la suite de cette publication, j’ai écrit un article sur le statut d’auto-éditeur :
Auteur, tout simplement
Pourquoi inciter l’auteur d’un livre à se soumettre à un éditeur, le décourager de publier lui-même son ouvrage ? Sinon, il sera considéré comme un commerçant, il aura l’obligation de se déclarer comme entrepreneur avec toutes les charges financières induites…
Est-ce que les chanteurs, les musiciens, les comédiens, plus globalement les artistes des spectacles vivants ont l’obligation de recourir à un impresario ? Non, s’ils exercent leur art de manière autonome, ils conservent leur statut d’artiste.
Est-ce que les peintres, les sculpteurs, les « plaaaastichiiens » ont l’obligation de vendre leurs œuvres par l’intermédiaire d’un galeriste sous peine de se voir attribuer le qualificatif de margoulin ? Pas à ma connaissance.
Est-ce qu’un vidéaste ou un cinéaste ne peuvent pas autoproduire des films, des reportages, des documentaires, des clips, pas que je sache et heureusement, certains grands artistes n’auraient jamais été connus du public. Pourtant, ces productions s’apparentent parfaitement au livre, l’artiste est rémunéré en fonction du succès de son œuvre, du nombre de spectateurs qui ont payé pour voir.
La situation est identique pour un compositeur, l’auteur musical, qui peut se faire rétribuer en fonction du nombre de passages sur les ondes, de téléchargements ou écoutes en streaming. Mais un auteur qui s’autopublie, lui perd son statut d’artiste, pas automatiquement, seulement si son livre est acheté correctement, si des lecteurs en nombre suffisant lui reconnaissent un minimum de qualités.
Certains artistes reçoivent même des commandes pour effectuer un travail, comme les artisans, pour exercer leur art, mais il ne perdent pas leur statut pour autant.
D’autres sont même subventionnés d’après des critères parfois douteux, le fait du prince qui sélectionne les créateurs méritants, ceux qui ont le bon goût d’être dans les concepts à la mode, la complaisance de plier dans le sens du vent des DRACs, bref des artistes pompiers. Il est évident qu’à ceux-là, l’appellation artiste ne sera pas contestée.
Au final, l’auteur est-il un être sous-développé qui ne peut s’épanouir que sous la tutelle d’un éditeur ?
J’aimerais comprendre quels sont les raisonnements, les logiques, les motivations qui ont jusqu’à présent amené à considérer qu’un auteur autopublié ne mérite plus de faire partie de la grande famille des artistes. Vous savez, ces personnes qui acceptent de travailler sans avoir l’assurance que ce travail se traduira peut-être un jour en un minimum de revenu. Dans notre monde des 35 h, des congés payés, des assurances en tous genres, donner de son temps, de son énergie, son talent (?) et le faire le plus souvent gratuitement. N’est-il pas raisonnable que lorsque ceux-ci connaissent un plus ou moins grand succès puisse être récompensé, dans les limites de la décence s’entend ? Payer des impôts en fonction de ses revenus, oui, accepter d’alourdir la barque par des statuts disproportionnés, NON.